…Un siècle après l’invention de Graham Bell : l’accueil au téléphone par les entreprises reste insuffisant
Rien n’est plus simple que parler ? C’est comme écrire. Tous le croient parce qu’ils en connaissent les mécanismes techniques. Mais parler, écrire, communiquer, c’est autre chose. La preuve, tout ce petit monde des affaires qui parle tant, qui écrit beaucoup, le fait souvent très mal. Regard sans concession sur la communication téléphonique déficiente.
Une enquête effectuée par un collègue français sur la qualité de l’accueil téléphonique professionnel place France Télécom… en dernière place, après les PME et les grandes entreprises les plus revêches. En Belgique, Belgacom n’est pas mieux placée. Cela dit bien ce que cela veut dire : savoir téléphoner n’a rien à voir avec l’équipement.
Le Waterloo de l’allô ?
La Berezina du téléphone, le désert de la communication à distance… on ne saurait avoir de mots trop désabusés pour qualifier la manière molle, vague, parfois grossière dont les entreprises utilisent cet outil merveilleux qui, pour les relations courantes, a remplacé l’envoi épistolaire des siècles passés. Attente longue, avec ou sans musique ridicule, raccrochage, oubli de l’interlocuteur au bout du fil, standard surchargé, de la mal politesse au vaguement aimable en passant par la mauvaise connaissance réelle des deux langues nationales et de l’anglais…
Côté technique
Aujourd’hui, il n’y a plus aucun obstacle à une communication téléphonique réussie. Bien sûr, il y a parfois des problèmes de lignes, de transmissions imputables à Belgacom, mais cela, ce sont des cas de force majeure qui n’ont rien à voir avec la qualité globale de la communication technique à disposition aujourd’hui.
Une communication, c’est simple. Je suis présent et disponible, je décroche. Je suis indisponible, absent, et je dévie vers le lieu où je me trouve (un autre bureau, mon domicile privé, etc.) et je redeviens disponible. Soit je dévie ma ligne vers un collègue, une secrétaire, la standardiste, un autre service capable de répondre utilement aux questions et demandes qui pourraient m’être posées.
Enfin, je suis indisponible, absent, et je confie les appels à la messagerie vocale (ou je les adresse au répondeur). Tel est le protocole qui sera en vigueur dès maintenant et pour de longues années. Alors… autant s’y mettre et investir rapidement dans un bon petit central avec messagerie.
Côté humain
C’est par une mauvaise communication globale où le téléphonique tient une part importante que l’on risque le plus de perdre clients et prospects que vos commerciaux s’évertuent à contacter.
S’il arrive que votre département commercial ou le service après-vente laisse attendre plus de trois sonneries avant un décrochage suivi d’une communication claire, si l’accueil est froid, peu amical, si l’on n’arrive pas à joindre la personne souhaitée sans pour autant obtenir une information immédiate sur sa présence ou non dans l’entreprise, vous êtes en déficit de communication.
Quelques règles d’or
L’interlocuteur ne dérange jamais. L’accueil doit lui donner l’impression que son appel est attendu, qu’il est la personne la plus importante pour l’entreprise en ce moment…
Etre professionnel, cela signifie aussi que la relation avec l’appelant doit être strictement correcte et précise. Pas question pour la standardiste ou la secrétaire de se laisser aller à discuter de la pluie et du beau temps. Bien souvent dans les P.M.E., la standardiste, la personne qui décroche le téléphone est aussi celle qui accueille les visiteurs. Il arrive régulièrement que le téléphone sonne au moment où quelqu’un entre ; dans ce cas, il faut toujours privilégier l’appel téléphonique. Les visiteurs voyant une personne occupée prendront patience, l’inverse n’est pas vrai. La communication téléphonique est encore pour de longues années de type » aveugle « . Les mammifères de notre espèce conservent encore tout un arsenal de signes de communication qui soutiennent la parole. C’est par leur absence au téléphone que la parole doit surinformer.
D’une manière pratique, la standardiste sera toujours au fait de l’organigramme de l’entreprise et disposera d’un agenda des absences de toutes les personnes pouvant être appelées. Il faut proscrire les » je vais voir s’il est là « .
Si l’interlocuteur ne se sent pas… en odeur de sainteté ou qu’une légère paranoïa l’accable, il sera à peu près certain qu’on refuse de lui parler.
Bref, soyez présent
La présence, c’est la disponibilité, l’efficacité. C’est accueillir, recevoir, faciliter à l’appelant le contact avec l’entreprise. Tous sont concernés. Voilà ce qu’il faut se dire et se répéter. Ce qui est vrai pour les grandes organisations l’est encore plus pour les P.M.E.
Idéalement proches du marché, des clients et des prospects, les P.M.E. ont un joker à jouer en gérant la qualité de leurs communications téléphoniques.
La communication objective
Lorsque deux personnes se rencontrent dans le cadre de leur activité professionnelle, elles utilisent un code appris pour établir un contact nécessaire. Celui-ci est quelque peu différent du code familier.
Ce code est issu du formalisme plus général de la politesse qui est lui-même issu des usages aristocratiques de la société de la Cour du XVIIIè. Mal traduit, rendu rigide et formalisé sans souci du fond de la relation, il est simplifié aussi par la bourgeoisie du XIXe sous des aspects indiquant la peur de l’autre, de cette classe renfermée sur elle-même.
Dans la communication, on tend à substituer aux formules toutes faites et vides de sens, une relation objective centrée sur l’intérêt de l’interlocuteur. On se nomme, on le nomme, on n’hésite pas à reformuler ses demandes imprécises, on est respectueux de la personne et du discours, on ne se met pas en avant… il s’agit aussi d’appliquer à l’autre le degré de familiarité qu’il souhaite voir s’établir… ce qui rapprocherait, sans le raffinement cependant, la communication moderne de la courtoisie de l’ancien régime. La relation de communication s’établit d’égal à égal même entre un subordonné et son chef.
Le code de la politesse bourgeoise, figé, et craintif, périmé, basé sur un respect artificiel, a occulté la relation interpersonnelle nécessaire à une communication juste et efficace. Etre vrai, respectueux de soi et d’autrui plutôt que d’être poli est toujours efficace en communication.
Un exemple… Un coup de téléphone encoléré au service après-vente d’un marchand de télévisions donne cette réponse :
– Qu’est-ce que vous voulez que je fasse, moi que votre téléviseur est en panne un jour de Coupe du monde !
Et le client est perdu pour mille et un ans. Cette réponse grossière deviendra utilement, en communication objective :
– Oui… je comprends votre problème, monsieur ! Navré que votre téléviseur soit en panne. Et vous êtes contrarié, et fâché, je l’entends, contre notre maison. Je puis cependant vous assurer que tout sera fait dans les meilleurs délais. En ce qui concerne le match de football que vous allez rater, je vous suggère d’aller le regarder chez un ami, car l’appareil ne pourra pas être réparé aujourd’hui et nous ne pouvons pas vous en donner un en prêt.
Quelques évocations en clin d’œil des bonnes… et moins bonnes habitudes téléphoniques…
Rapidité
3 sonneries sont la norme, et non pas l’exception.
5 sonneries, ce sont deux en trop…
Cela peut paraître excessif, mais c’est le résultat d’études très sérieuses menées par les consultants du secteur de la communication humaine. La rapidité de la prise de communication est un signe d’attention, de dynamisme, qui imprègne inconsciemment les relations appelé-appelant. Et l’absence de réponse est un crime de lèse-entreprise.
La règle N.1
du commerce qu’appliquaient nos grands-pères avant la qualité de la marchandise était d’ouvrir précisément à heures et jours fixes. Dans l’inconscient collectif, une entreprise qui ne répond pas est une affaire qui va mal. Et d’ailleurs, cela doit être vrai quelque part.
La communication
Proscrivez les sinistres » allloooo « … » allô oouiii « … » allô, j’écoute » (car cela, on s’en doute)…
Voici quelques exemples de communication…
Appel déséquilibré (non-reconnaissance des positions de l’appelant et de l’appelé)
– Allô… C’est de la part de qui…
– Monsieur Durant.
– C’est à quel sujet ?
– Je voudrais parler à Monsieur Dupont.
– Il n’est pas là.
Appel équilibré (car l’appelant et l’appelé pratiquent la communication objective)
– Etablissement Durant. Monique Smets
– André Durant. Bonjour.
– Bonjour Monsieur Durant. Puis-je vous aider ?
– Je voudrais parler à Monsieur Dupont.
– Monsieur Dupont est absent. Souhaitez-vous lui laisser un message ?
Appel guidé (seul l’appelé pratique la communication objective)
– Etablissement Durant. Monique Smets.
– Je voudrais parler à Monsieur Dupont.
– Vous êtes Monsieur…
– André Durant.
– Bonjour Monsieur Durant. Puis-je vous aider ?
– Je voudrais parler à Monsieur Dupont.
– Monsieur Dupont est absent. Souhaitez-vous lui laisser un message ?
Appel déséquilibré (non reconnaissance des positions de l’appelé. L’appelant pratique la communication objective. Ici le guide est l’appelant, en dépit de toutes les règles de bon sens)
– Allô… C’est de la part de qui…
– Albert Durant. Vous êtes Madame…
– Monique Smets.
– Suis-je aux Etablissements Dupont ?
– Oui (parfois on entendra suivre l’inévitable : » C’est à quel sujet ? « )
– Je désire parler à Monsieur Dupont.
– Il n’est pas là.
– Je désire lui laisser un message
Orienter et réorienter les appels dans l’entreprise (être efficace implique de pouvoir » dispatcher » un appel qui a mal abouti, le réorienter en cas d’absence de l’appelé. Efficacité, correction sont toujours les règles de base).
– Monsieur Durant… la ligne est occupée. Je vous suggère de me laisser votre numéro de téléphone et de me dire quand Monsieur Jacques Dupont peut vous rappeler.
Bêtisier de la communication sans espoir…
– Allô, wouais… Ce sont les établissements Du Schmoll, ici.
– Quittez pas. Je vais voir s’il est là.
– Il est en réunion !
– Monsieur Dupont ! C’est pourquoi ?
– Monsieur Dupont ! C’est pourquoi ? Il est en réunion.
– Oh… bof… vous pouvez essayer de rappeler demain.
– Ne raccrochez pas, je vous le passe.
– Il est toujours en réunion.
Bêtisier de la communication sans espoir… (suite)
– Monsieur Durmer ? Dans quel service ?
– Ouais… C’est pourquoi ?
– On ne lui passe pas les communications aujourd’hui.
– Je vais quand même essayer de le trouver.
– Il est encore en réunion.
– Il sera probablement là demain… quand ? Je ne sais pas.
– Répétez si-iou plaît !
– Quoi ?
– Qui ?
– Où ? Quoi ?…
etc…
Pourquoi ne faut-il jamais dire que Monsieur Badouin est en réunion ?
Mais simplement parce que l’emploi du temps de Monsieur Badouin ne regarde que lui et ne concerne pas son appelant. On peut dire très simplement : » Monsieur Badouin est occupé ». Et toujours proposer une prise de contact ultérieure à charge de l’appelé. Ceci est très important.
– Monsieur Badouin est occupé. Il m’a laissé des instructions concernant les appels reçus durant son absence. Il se propose de vous rappeler soit demain matin, mardi entre dix heures et midi, soit vendredi en fin de journée…
Analyse
– Monsieur Badouin est occupé.
Simple expression de la réalité. Ainsi exposé, le fait n’est pas niable. Un fait objectif est toujours accepté par les gens équilibrés…
Note : proscrivez à jamais le fameux : » Dites que je ne suis pas là « . … Il m’a laissé des instructions concernant les appels reçus durant son absence.
Dynamique de la communication
L’appelant n’est pas laissé seul, avec son désir ou son besoin de communication. On le prend en charge. On l’informe que l’appelé indisponible a prévu les appels.
… Il se propose de vous rappeler.
On propose une solution claire, univoque.
… soit demain matin, mardi entre dix heures et midi, soit vendredi en fin de journée …
On donne le choix apparent à l’appelé de rétablir la communication ultérieurement.
Belle journée !